Profonds regrets: un faux pour Mora Junior Etienne

On peut toujours aimer ou ne pas aimer un film. Dans les deux cas, il s'agit d'une question de gout. Les gouts et les couleurs ne se discutent pas, disait- on, jadis.

Plutôt facile, pas vrai. Considérons un instant que cet axiome tenait encore la route.

Il nous resterait très peu de sujets de discussion.

Ainsi, chacun aurait libre cours, pour débiter des inepties à n'en plus finir.

Comme c'est le cas, sur ce territoire un peu fermé, n'importe qui s'autoproclame réalisateur, en présentant (un truc qu'on ose à peine, prendre pour un film), où il se réserve la part du lion (premier rôle).

Assez souvent il est aussi piètre dans la peau du réalisateur que comme acteur.

Ce qui fait du film en question, un pactole pour assouvir la mégalomanie d'un individu.

Il s'avère difficile pour moi, d'introduire en ces termes, un produit artistique qui exige autant de sacrifices et d'efforts.

Mais, que voulez-vous, mon amour pour le 7è art, est tel, que je ne peux me permettre d'être complaisant, à l' égard des films qui le tournent en dérision.

C'est dans cette logique, que j'appréhende PROFONDS REGRETS, le dernier film de Mora Etienne Junior, comme un faux pas de plus dans la période de tâtonnement, du jeune cinéma haïtien

L'histoire est on ne peut plus banale.

Deux amants se retrouvent dans l'enfer de l'Amérique du nord, en proie à une pesante incompréhension qui déstabilise les assises de leur amour naissant.

D'un coté, Léa est confrontée, à l'avarice d'une mère trop soucieuse, de l'avenir de sa fille.

D'un autre coté, Dario qui débarque dans un pays étranger, obligé de croupir sous le poids de la honte, chez un cousin, dont la concubine et sa fille ne lui laissent aucun répit.

Jeu d'acteurs, pas vraiment convaincant.

Cadrage et montage ...Scénario ; un ramassis d'anecdotes, accolées bout à bout, sans la moindre cohérence.

Nice Simon a fait de son mieux, en tout cas elle est bien meilleure dans I Love You Anne et La Victime.

Fabienne Colas vaut bien mieux que cela. Les seconds rôles n'ont pas vraiment mérité de mention spéciale.

La musique n'a pas suffisamment soutenu les images.

Il faut croire que le choix n'a pas été judicieux.

Toutefois, le premier rôle masculin possède des atouts pour jouer.

Avec PROFONDS REGRETS, c'est du sur place.

Rien n'est tenté au niveau du rendu de l'histoire pour la rendre originale.

Comme la majorité de films haïtiens, l'anecdote est tirée du quotidien .Dans ce cas bien précis, tout porte à croire qu'il s'agit d'une aventure vécue par l'auteur du scenario, qui ne bénéficie pas suffisamment du recul nécessaire.

PROFONDS REGRETS appartient à cette catégorie de films, situés entre le visible et la réalité.

Cinéma, art de l'image ; l'un des grands lieux communs dans la théorie des cinéastes, à l'égal des considérations sur le cinéma comme langage ou comme empreinte.

Mora Etienne Jr. n'a pas suffisamment, à dessein ou par inadvertance, misé sur la magie de l'image.

Cependant Image est un mot trop vague, ou trop chargé de sens différents, et que l'on court toujours le risque d'essentialiser, soit pour l'idolâtrer ou l'excommunier.

Dans les différentes approches il n'y a guère le choix ; ou bien on affronte carrément la relation entre le cinéma, la peinture, et leur commune histoire ; ou bien on adopte plus ou moins franchement, l'une des versions essentialistes, qui font de l'image un synonyme de l'Idée. Le cinéma réfère dans un cas au visible et dans l'autre à l'invisible.

Tarkovski, Brakhage, Gance et Godard sont les champions de cette image quasi religieuse.

Toutefois Il n'est pas difficile de comprendre, que l'image est au nord, donc, pas à la portée de tous les budgets, d'où la nécessité pour un cinéaste haïtien, de jouer sur le poids de l'image, en inscrivant sa démarche dans une esthétique de cinéma du sud.

Prince Guetjens

Observatoire du Cinéma haïtien

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